Dans l’univers des cryptomonnaies, les stablecoins occupent une place bien particulière. Conçus pour offrir la stabilité des monnaies traditionnelles tout en bénéficiant de la rapidité et de la décentralisation des technologies blockchain, ils sont souvent perçus comme une passerelle entre la finance classique et l’économie numérique. Mais cette stabilité apparente cache des fragilités importantes, en particulier dans une optique de résilience ou de sortie du système.

Qu’est-ce qu’un stablecoin ?

Un stablecoin est une cryptomonnaie dont la valeur est adossée à un actif de référence, généralement une monnaie fiduciaire comme le dollar américain (USD), l’euro (EUR), ou encore à un panier d’actifs ou à des matières premières. Le plus souvent, 1 stablecoin = 1 unité de la monnaie à laquelle il est indexé.

Il existe plusieurs types de stablecoins :

  • Centralisés : comme l’USDC ou l’USDT, émis par des entreprises qui garantissent un dépôt en banque équivalent à chaque unité émise.
  • Décentralisés : comme le DAI, qui s’appuie sur un système de collatéralisation algorithmique, sans autorité centrale.

Pourquoi les stablecoins sont-ils utiles ?

Les stablecoins sont largement utilisés dans l’écosystème crypto pour plusieurs raisons :

  • Stabilité de valeur : contrairement aux autres cryptos très volatiles, les stablecoins permettent de « sortir » du marché tout en restant dans l’écosystème numérique.
  • Transferts rapides et à bas coût : ils permettent d’envoyer de l’argent à l’international sans passer par les circuits bancaires traditionnels, souvent lents et coûteux.
  • Outil d’échange : dans certains pays en crise monétaire (Venezuela, Liban, Nigéria), les stablecoins sont utilisés au quotidien pour acheter des biens, car plus stables que la monnaie locale.

Ces atouts en font un outil particulièrement pratique pour les personnes souhaitant conserver un pouvoir d’achat stable dans un portefeuille crypto, ou effectuer des paiements même dans des contextes où les banques ne fonctionnent plus.

Quels sont les risques associés aux stablecoins ?

Malgré leurs avantages, les stablecoins ne sont pas sans risques. D’abord, leur stabilité repose souvent sur des entités centralisées, qui peuvent faire faillite, geler les comptes ou être soumises à la pression d’États.

Par exemple, en 2023, Circle (émetteur de l’USDC) a vu son stablecoin perdre temporairement son ancrage au dollar suite à l’exposition de ses réserves à la faillite de la Silicon Valley Bank (source : CoinDesk).

Par ailleurs, comme le rappelle un rapport de la Banque Mondiale / FMI, les stablecoins peuvent accentuer le risque systémique s’ils sont massivement adoptés sans cadre réglementaire adapté.

Des monnaies encore… fiat

Un point fondamental à comprendre est que la plupart des stablecoins restent des répliques de monnaies fiat. L’USDT, l’USDC ou l’euro-pegged EURC ne sont que des reflets numériques de monnaies déjà existantes, elles-mêmes soumises à inflation, à manipulations politiques, ou à la destruction de valeur par la dette.

Ainsi, même si leur format numérique permet d’échapper à certains blocages ou frais bancaires, leur valeur intrinsèque reste totalement liée à celle de la monnaie fiduciaire sur laquelle ils sont basés.

Limites et contrôle potentiel

Les stablecoins centralisés peuvent être gelés ou tracés. L’émetteur peut bloquer un portefeuille contenant ses jetons. C’est un risque majeur si l’on cherche à échapper à un contrôle étatique ou à une surveillance excessive.

Par exemple, Tether a déjà bloqué plusieurs portefeuilles sur demande de la justice américaine, même sans condamnation préalable. Cette capacité à interférer est en contradiction directe avec l’esprit originel des cryptomonnaies — la souveraineté individuelle.

Quels usages dans une stratégie de résilience ?

Dans une perspective de crise ou d’effondrement, les stablecoins peuvent être un outil de transition. Ils permettent de :

  • Sortir temporairement des actifs volatils sans quitter l’écosystème crypto.
  • Transférer de l’argent rapidement entre individus ou pays.
  • Utiliser une forme de monnaie numérique facilement compréhensible et acceptée.

Mais ils ne doivent pas constituer la base d’un portefeuille résilient. Ce sont des outils pratiques, mais fragiles. Leur dépendance au système bancaire, leur centralisation et leur exposition au droit fiscal et réglementaire des États en font des actifs de court terme, non une réserve de valeur.

Alternatives décentralisées

Les stablecoins algorithmiques, comme le DAI, offrent une option partiellement décentralisée. Ils reposent sur un système de collatéraux (généralement de l’ETH ou du WBTC) et un protocole autonome. Toutefois, ils ne sont pas sans faille : leur stabilité dépend de la robustesse du protocole et de la valeur de leurs actifs sous-jacents. L’effondrement du stablecoin algorithmique UST en 2022 en est un exemple tragique.

Conclusion : à utiliser avec prudence

Les stablecoins ont leur place dans une stratégie de résilience numérique. Ils offrent de la flexibilité, des gains de rapidité et une interface intuitive. Mais ils ne peuvent remplacer ni la souveraineté des cryptomonnaies décentralisées (comme le Bitcoin), ni la solidité de valeurs refuges physiques comme l’or ou l’argent.

Ils peuvent être utiles pour des paiements, des transferts, ou des échanges temporaires. Mais il est essentiel de comprendre leur nature fondamentalement dépendante du système fiat, et donc de les utiliser comme des outils ponctuels — et non comme des piliers de long terme.